Plus tôt ce mois ci je vous parlais de Frostgrave, le jeu où des mages sont prêts à tous les coups bas pour faire main basse sur les trésors qui jonchent les ruelles d’une cité maudite prise dans les glaces.
Aujourd’hui, je vous présente la bande que j’ai créée lorsque j’ai découvert le système. Mélange de références qui trainaient dans mes cartons et de gravures officielles, voici pour vous les Survivants de Kaskinen.
Un brin de contexte tout d’abord. Si l’univers de Frostgrave a été décliné dans plusieurs suppléments et même quelques romans, les joueurs sont invités à combler le flou relatif laissé par l’auteur pour créer leur propre histoire. Lorsque j’ai conçu cette bande je suis parti de deux éléments: la figurine officielle du Golem, sorte d’épouvantail de rondins grossièrement taillés et qui m’a immédiatement tapé dans l’oeil, et la thématique glacée propre à la ville où se déroulent les affrontements.
Si golem il devait y avoir, mon mage serait donc tout naturellement un Enchanteur. C’est en effet dans l’école liée à cette profession qu’on retrouve le sort qui permet d’animer de telles créatures entre chaque partie et qui vont venir prêter main forte pendant les escarmouches. Et s’ils sont détruits, vous pouvez toujours claquer des doigts et transformer ce tas de bûches en féroce combattant ! Seulement voilà, la figurine officielle d’Enchanteur ne me plaisait pas plus que ça avec sa dégaine de Père Noël, surtout que la gamme North Star propose également une excellente référence de guerrière portant un marteau, outil associé à la création d’objets magiques par excellence.
Le côté très bigarré des figurines que je comptais utiliser m’a donner l’idée qu’il s’agissait moins d’une bande de professionnels endurcis que d’une troupe hétéroclite de civils réunis pour des motivations très personnelles. Des motivations dont serait responsable une autre figurine que je peignais au même moment…
Je vous la fais courte: une liche, des gens qui animent des objets, de la neige, des barbus portant des vêtements de guerriers venus du Nord et une figurine de vieux bonhomme avec un panier en osier que je préférais éviter. Par association d’idées, j’en suis venu à ce concept: mon mage serait la fille d’un enchanteur à la retraite qui se serait retiré dans les montagnes glacées pour pratiquer son Art sur de simples jouets qu’il offrirait aux enfants de la région. Sa fille l’aurait suivi sur ce chemin, et il y a bien sûr dans l’atelier un assistant un peu balourd mais volontaire. Et la liche dans tout ça? Et bien elle aurait été en route vers Frostgrave et se serait offert un petit casse dalle en massacrant le fabricant de jouets et ses voisins du petit village de Kaskinen (pour l’anecdote, l’endroit existe vraiment, il s’agit de la plus petite ville de Finlande).
Sauf qu’elle a bâclé le boulot la liche, et elle a oublié quelques survivants réunis autour d’un feu pour honorer les morts…
« Sous un ciel sans lune, les flammes du bûcher funéraire semblaient lécher les étoiles elles mêmes. Alignés sur les troncs taillés à la hâte, les corps de ceux qui avaient résisté au nécromant finissaient lentement de se consumer comme l’exigeait la tradition. Miranda ne s’était pas encore autorisée à pleurer le départ de son père pour la Clairière. Cela viendrait plus tard, car pour l’heure elle embrassait du regard l’assemblée qui allait devenir l’outil de sa vengeance. A ses côté, le visage placide d’Ourgo était tourné vers le brasier. Solide comme la pierre, l’apprenti répondrait à l’appel. Il mettrait bien assez tôt en pratique les rudiments de sorcellerie qu’on lui avait péniblement inculqué. L’époque appelait des mesures désespérées. »
« Hirsutes et emmitouflés dans leurs capes de fourrure, les trois guerriers à la mine sombre semblaient avoir déjà vécu cette scène des dizaines de fois. Ils n’avaient été que des voyageurs de passage qui avaient choisi la mauvaise auberge pour se reposer entre deux batailles au nom de quelque seigneur barbare. Mais lorsque l’un d’entre eux avait été fauché par les créatures de la liche, ils s’étaient mus en bêtes féroces qui n’avaient cessé de tailler la chair morte jusqu’à l’épuisement. Ils suivraient non par loyauté mais par respect des serments faits à ceux qui étaient retournés à la boue. »
« Si elles ne les avaient pas su présents, Miranda n’aurait sans doute pas remarqué les deux individus encapuchonnés qui se tenaient à l’écart de la cérémonie. Elle savait d’eux qu’ils étaient arrivés à Kaskinen quelques semaines avant la catastrophe. On les disait voleurs à la tire, espions envoyés par une lointaine nation, assassins ou les trois à la fois. Ils avaient brillé par leur absence durant le massacre mais ils s’étaient entretenus avec Miranda quand la fumée s’était dissipée pour proposer leurs services. Une dague contre une bourse. Ces alliés de circonstance étaient les bienvenus, même si elle distinguait parfois autour de leur silhouette une aura qui n’avait rien de naturel… »
« Anna la Sombre était assise en tailleur sous un pin, son arbalète en travers des genoux. Elle posait sur le brasier un regard qui semblait voir bien au-delà des flammes. Elle n’était qu’une sauvageonne muette lorsqu’elle était arrivée à Kaskinen des années plus tôt. La communauté l’avait accueillie et fait d’elle une des des meilleurs chasseuses de la région. A quelques pas de là se trouvait son comparse Fifrin, qu’on apostrophait souvent à grands coups de « Messire Halfelin ». Ce dernier rompit le silence de sa voix fluette, brisant un instant le charme irréel de la veillée funèbre.
« On va tout de même pas les poursuivre, dites? Bren le Boulanger était fort comme trois bœufs et cette chose lui a tordu le cou comme à un vulgaire poulet. On devrait prendre tout ce qu’on peut emporter et suivre la route vers… »
« Tu la fermes, demie portion. » La voix du Halfelin mourut dans un coassement. Tous les regards se tournèrent vers le dernier membre de l’assemblée. La plupart durent baisser les yeux. Celui qu’on appelait simplement au village « L’Oncle » était assis sur une souche et passait une pierre à aiguiser le long du fil de sa hache.
« Tu parles comme une pisseuse », grommela-t-il en crachant dans la neige fondue.
« Y a une vieille tradition chez les nains quand un Clan est décimé. Les survivants se rassemblent autour du feu comme on est en train de le faire, et ils jurent sur l’acier. Si vous étiez des nains je prononcerais les Mots mais comme z’en êtes pas je vais me contenter de vous dire les choses comme elles vont se passer. Cette engeance du démon qui a brûlé notre village et tué nos gars, je vous en fiche mon billet qu’elle fait route vers Frostgrave. De nos jours c’est là que finissent les pourritures de son espèce. Alors on va prendre une bonne nuit de sommeil, faire nos paquetages au petit matin, affuter nos lames et faire comme tout le monde. Et quand on aura trouvé ce « Roi sans Prince » de mes deux, on lui montrera comment on règle nos comptes dans le Nord. J’ai parlé. »
« Rien à ajouter », pensa Miranda. Quand le vent commença à balayer la cendre encore chaude, ils se retirèrent en silence dans la nuit pour suivre les conseils de l’Oncle. «
Et c’est ainsi qu’ils partirent pour Frostgrave !
Cette petite troupe est un bon exemple de la façon dont je construis mes projets de bandes quel que soit le jeu d’escarmouche. Sans considération des règles, je pars des figurines que je tiens absolument à utiliser, je les associe à quelques concepts tirés du contexte narratif du jeu et j’imagine une scène qui permet de toutes les lier à travers une cause commune. Ma façon à moi de donner de l’épaisseur à ces acteurs silencieux sans lesquels nos parties seraient bien tristounettes. Je leur dois bien ça !
Bonnes fêtes à tous, et n’abusez pas des potions magiques !
Jacques